Miss Maggie
J.-P. Bucolo – Renaud | Renaud | France | 1985
Pour trouver dans Miss Maggie, sorti dans le fameux album Mistral gagnant en 1985, la critique (le mot est faible) de celle qui présida aux destinées du Royaume-Uni de 1979 à 1990, il faut attendre la fin de chaque couplet. A travers des paroles proclamant un féminisme assez clair, à la Renaud certes, mais un féminisme tout de même, le chanteur cible la « Dame de Fer », tantôt admirée pour sa rigueur et sa détermination dans la gestion des affaires, ou controversée pour son conservatisme, un certain mépris de la classe ouvrière (cf. grèves dans les mines) ou son lancement dans l’étonnante guerre des Malouines en 1982, qui verra Argentins et Britanniques s’affronter pour la souveraineté de ce petit archipel de l’Atlantique sud.
Symbole du tournant libéral des années 1980, à l’instar de la présidence Reagan aux Etats-Unis, postérieur à la crise des années 1970, parallèle à la continuelle déprise industrielle et la hausse exponentielle du chômage, Margaret Thatcher est aussi, au-delà du jugement que l’on porte a posteriori sur elle, l’incarnation d’une vision spécifique de la politique basée sur l’affirmation de la souveraineté nationale, l’autonomie de son pays vis-à-vis de l’Union Européenne, entre autres. Cette tradition autonomiste des dirigeants britanniques s’est parfois retrouvée dans l’action de ses successeurs (le refus de l’euro en est la principale illustration), y compris des travaillistes, Tony Blair se réclamant ouvertement du thatchérisme, non sans contribuer aux protestations de l’aile gauche du Labour Party.
Pour en revenir à la chanson, Renaud, le « chanteur énervant », qui s’érige dans ce qui sont ses « grandes » années contre l’ultra-libéralisme et les inégalités liées à l’équilibre contemporain des puissances politiques et financières, a choisi de chanter Miss Maggie peu après le drame du Heysel, qui en mars 1985 avait vu l’effondrement d’une partie de ce stade bruxellois causant la mort de 39 personnes. C’est à partir de cet événement que Renaud cible la brutalité masculine propre à la culture hooligan anglaise, brutalité à laquelle Mme Thatcher est assimilée. « Minable », « assassine », « vulgaire », « malhonnête » : un tableau très, très négatif. A la veille de la signature d’un important traité sur le futur tunnel sous la Manche, le chanteur anglais Jeremy Nicholas riposta en déclarant à la télévision : « quand les Français commencent à penser qu’ils sont supérieurs aux Anglais, il faut les rappeler à l’ordre », et de chanter n’en déplaise à Renaud l’ « arrogance », le manque d’humour, le « complexe d’infériorité » et la « bigoterie » des mangeurs de grenouilles.
Margaret Thatcher aux Malouines en 1983
Un reportage du JT d’Antenne 2 sur la riposte de Jeremy Nicholas, sur le site de l’INA
Paroles ci-dessous :