Le Déserteur
B. Vian – H. Berg | Boris Vian | France | 1954
Le Déserteur de Boris Vian est sans conteste une des chansons les plus emblématiques pouvant se réclamer du pacifisme et de la critique des conflits armés. Registre pathétique, rythme lent, mais détermination du personnage à travers l’écriture de la lettre et surtout résolution contre le pouvoir présidentiel, la chanson est un véritable pamphlet, un manifeste pour le bon sens, contre la douleur et l’horreur.
Cette chanson, publiée, ironie du sort, le 7 mai 1954, jour de la débâcle de Diên-Biên-Phu, scellant le sort de l’armée française en cette fin de guerre controversée en Indochine, se verra dès lors interdite, et longtemps après, restera d’une part controversée (une institutrice a été suspendue en 1999 pour avoir fait chanter Le Déserteur lors d’une commémoration du 8 mai), parce qu’elle s’élève tout de même contre le plus haut représentant de l’Etat qu’est le président de la République, mis avec ironie et audace face à ses contradictions et à la dureté de ses édictions. D’autre part, des discussions passionnées se sont construites autour de la fin du texte, à savoir si le déserteur est est résolument désarmé ou plutôt vengeur : en effet, Boris Vian chantait initialement « Prévenez vos gendarmes / Que j’emporte des armes / Et que je sais tirer », paroles auxquelles Mouloudji, premier interprète, aurait préféré une version plus neutre qui s’est imposée : « Prévenez vos gendarmes / Que je n’aurai pas d’armes / Et qu’ils pourront tirer ». Audace (et intelligence ?) suprêmes, l’auteur cherchant sans doute à contredire les gens voyant une rébellion, dira lui-même dans une lettre ouverte à un de ses détracteurs que Le Déserteur n’est pas une complainte antimilitariste, mais « procivile », et qu’ainsi sauver la patrie n’a plus de sens si chaque civil composant cette patrie devient un soldat dont la reconnaissance absurde ne se fera que dans la mort.
Érigée en hymne antimilitariste, elle connaît dans les années qui suivent une popularité importante, entretenue longtemps après par le regain d’intérêt pour Saint-Germain-des-Prés et de nos jours par un contexte politico-militaire complexe. Cette notoriété dépassera rapidement le strict cadre des années de la décolonisation, puisqu’elle sera reprise en France par Renaud (sa version propre, Déserteur, cf. ci-dessous en vidéo, parue en 1985, d’autant plus acerbe, s’opposant entre autres contre le service militaire, et qui lui vaudra un concert critiqué par les spectateurs en URSS), Serge Reggiani, Johnny Halliday ou Marc Lavoine, et à l’étranger, chantée en protestation contre la guerre du Vietnam, par Joan Baez (voir vidéo ci-dessus) entre autres.
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